Transfert de matière organique et fonctionnement des écosystèmes dans les lobes terminaux du cône sédimentaire sous-marin du Congo.
Les fonds abyssaux ont longtemps été considérés comme des systèmes où les apports, très limités, de matériel marin phytoplanctonique ne pouvaient soutenir qu’une faune rare et uniforme. Depuis la description des communautés associées aux sources hydrothermales et à l’émission de fluides froids, cette vision du domaine profond a évolué vers celle d’un milieu varié et complexe. D’autres environnements tels que les canyons sous-marins, bien que plus classiques dans leur fonctionnement, apparaissent tout aussi riches en biodiversité. La marge continentale ouest africaine (Gabon, Congo, Angola) est en ce sens un système unique, riche et diversifié, peuplé de communautés sédimentaires détritiques et chimiosynthétiques. Ces écosystèmes bénéficient d’une part des apports importants de matière organique (MO) terrestre du fleuve Congo, rapidement transportés, jusqu’à des profondeurs de 4 à 5 km, et d’autre part, des apports pulsés de MO labile issus de la productivité de l’upwelling côtier à caractère saisonnier des côtes du Golfe de Guinée.Le consortium Congolobe s’intéressera plus particulièrement à la zone des lobes terminaux du système turbiditique sous-marin du Congo/Zaïre (figure 1). Ces lobes situés à plus de 750km de l’embouchure et à environ 5000 m de profondeur représente un système singulier puisque, contrairement aux autres grands fleuves (Amazone, Yangtze, Mississippi), le Congo est directement connecté à son canyon sous-marin. Ce système est alimenté de manière quasi-continue par des turbidites contenant une forte proportion de matériel organique récent charrié par le fleuve Congo. L’influence combinée des forts apports terrestres et marins sont à l’origine d’écosystèmes détritiques et chimiosynthétiques coexistant dans une configuration unique, dont les manifestations visibles en surface sont des agrégats de bivalves, des tapis bactériens et des amas de polychètes (figure 2A, 2B et 2C), jamais encore observés hors de zones particulières telles que les zones d’émissions actives de fluides froids. Malgré ces particularités, la zone des lobes terminaux du système turbiditique du Congo/Zaïre est très mal connue ; ce qui a motivé la programmation de deux campagnes océanographiques (WACS en février 2011 et Congolobe en décembre 2011-janvier 2012) et fait l’objet de l’ANR blanche Congolobe qui associe le LSCE, l'Ifremer et l'UPMC (iSTeP et Laboratoire d’Ecogéochimie des environnements benthiques de Banyuls) pour la période de décembre 2011 à novembre 2015.
Figure 1 : Vue 3D de la bathymétrie de la marge ouest-africaine au niveau du système turbiditique du Congo/Zaïre (d'après Savoye et al., 2009)
Figure 2 : (de gauche à droite) Agrégats de bivalves, tapis bactérien et amas de polychètes, Photos ©Ifremer, campagne Congolobe 2011-2012.
Le programme Congolobe s’attachera à décrire et comprendre les relations entre les caractéristiques géologiques particulières de la zone, la quantité et qualité des apports de MO, son recyclage dans les sédiments par les communautés microbiennes et la faune benthique.
Notre hypothèse est qu’il existe un lien fort entre les apports organiques d’origine turbiditique, leur diagenèse dans les premiers mètres du sédiment et la production de fluides sulfurés et méthaniques permettant le développement de faune chimio-autotrophe et de tapis bactériens (figure 3). Dans un environnement aussi complexe, une approche pluridisciplinaire est nécessaire c’est pourquoi l’ANR Congolobe associe des biologistes, des microbiologistes, des géochimistes et des sédimentologues.
Figure 3 : Modèle conceptuel de fonctionnement des écosystèmes benthiques des lobes terminaux du système turbiditique du Congo/Zaïre.
Le Laboratoire d’Ecogéochimie des Environnements Benthiques de Banyuls participe à la tâche 3 « Caractérisation de la matière organique de la zone des lobes » (coord. François Baudin). En étroite collaboration avec nos partenaires de l’iSTeP et de l’Université de Bordeaux 1, nous contribuerons à décrire précisément les sources de MO, leur qualité, leur distribution dans les sédiments et les modifications qu’elles subissent lors de la diagenèse en combinant différents marqueurs biochimiques (marqueurs lipidiques, acides aminés…). Nous participerons également à la tâche 5 « Structure et fonctionnement de l’écosystème » (coord. Karine Olu) par l’étude des relations entre la qualité nutritionnelle de la MO, les processus de dégradation et les communautés benthiques.
Le projet est financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR). Programme blanc, édition 2011.
Coordinateur du projet : Chritophe Rabouille (LSCE)
Partenaires de l'ANR :
Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer (IFREMER)
Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement (LSCE)
Université Pierre et Marie Curie (UPMC : iSTeP, LECOB, Université Bordeaux I)
Participants du LECOB : Audrey Pruski (MC), Laurence Méjanelle (MC), Béatrice Rivière (TCE), Gilles Vétion (IE), (Doctorante ED 398), Claire Senyarich (AI, CDD), Sabrina Lucas (Doctorante ED 129) pour la campagne WACS et Solveig Bourgeois (Post-doc) pour la campagne Congolobe 1.