Stéphane Hourdez participera du 29 octobre au 23 novembre à la mission Océan Indien dans la série Les explorations de Monaco. Cette mission a pour but d’explorer la biodiversité de « L’île invisible » Saya de Malha (située entre les Seychelles et l’Ile Maurice) et le fonctionnenement de cet écosystème. La mission interdisciplinaire internationale se déroulera sur le bateau sud-africain S.A. Agulhas II, à partir duquel seront notamment effectués des prélèvements sur les monts sous-marins situés sur le trajet mais aussi sur le banc Saya de Malha, prélèvements complétés par d’autres en plongée.
Photos : Stéphane Hourdez, LECOB
Teredo, y es-tu ? m’entends-tu ? sur une idée originale de Mr Henri de Lacaze-Duthiers
Le Taret est le nom vernaculaire donné aux mollusques bivalves de la famille des térédinidés. Le plus fameux des représentants de cette famille n’est autre que Teredo navalis, littéralement, le perceur de navires. Les térédinidés présentent la particularité de vivre, presque invisibles, dans le bois qu’ils rongent de l’intérieur. Les écrits historiques ne relatent d’ailleurs, pour l’essentiel, que les effets secondaires, consécutifs au travail de sape du taret, tels que le naufrage de navires ou l'effondrement d’ouvrages portuaires. L’un des plus importants défis technologiques de la fin de l’époque moderne et du début de l’époque contemporaine a donc été de trouver le moyen de prévenir et de détecter la présence de ces ravageurs.
En 1892, sur la base d'un dicton populaire, Henri de Lacaze-Duthiers (1821-1901), fondateur du Laboratoire Arago de Banyuls, se demandait si la « musique » du taret pouvait être perçue par l'oreille humaine. Il signale dans un court compte-rendu qu'il a été incapable de vérifier cet adage.
“Ces bois proviennent d’un vivier créé à Banyuls, et qui ont été immergés, il n’y a pas un an. […] Il y a au bord de la mer un dicton ainsi conçu : “ces petits animaux font leur musique. “ J’ai essayé d’entendre le bruit qu’ils font en attaquant les bois, je n’ai pu y parvenir.”
Cent trente ans plus tard, nous confirmons que le dicton est vrai. Nous avons réussi à enregistrer les sons produits par les coquilles des tarets raclant l’intérieur de planches de pin immergées dans la baie de Banyuls-sur-Mer. Ces sons, qui rappellent ceux de coups de râpe sur du bois, sont ténus, mais leur fréquence se situe bien dans la gamme des fréquences audibles par l’oreille humaine. Les enregistrements indiquent des pauses de plusieurs secondes entre de courtes périodes d’activité, au cours desquelles on perçoit le son brusque des valves qui entrent au contact du bois et le frottement d’intensité faible et décroissante de la coquille contre le bois.
Cliquez et écoutez...
{up media-plyr=audio | mp3=images/taret.mp3}
Aujourd'hui, les térédinidés continuent d’être une préoccupation pour la conservation du patrimoine archéologique marin et sous-marin, mais ils sont aussi devenus un modèle biologique très utilisé pour tester les concepts écologiques et comprendre la transformation de la cellulose en énergie verte. Les moyens modernes de capture des sons dans l’eau ouvrent la perspective de déterminer si leur activité suit un rythme ? si les vibrations produites permettent de se signaler ou de détecter la présence d’un congénère ? et ainsi, peut-être, de comprendre pourquoi et comment les galeries creusées par les tarets restent individuelles et ne se rejoignent jamais.
Source: Charles, F., Coston-Guarini, J. 2021. “Hey, do you hear me? ”: The elusive song of the shipworm. The Naval Shipworm Teredo navalis A Global Player and its Entangled Histories M. Vennen, Humboldt University of Berlin (BMBF-research project “Animals as Objects"); R. Schilling, German Maritime Museum/ Leibniz-Institute for Maritime History. Online-Workshop, 21.-22.1.2021.
© 2024 LECOB